Ode au bus !

Publié le par Huguette DREIKAUS

Les bus reviennent en force ! On les voit de plus en plus nombreux sillonner le pays, allant même jusqu' à passer les frontières. Là où les gares routières affichaient les départs vers les sous-préfectures du coin et les villages environnants, elles affichent maintenant des destinations lointaines : Paris, Nice mais aussi Prague, Bratislava, Rome, Madrid, Istanbul, voire Marrakech. Et attention, ce ne sont pas des groupes constitués par des agences de voyage ou par des sexagénaires en goguette vers Rimini pour fêter leur anniversaire qui y montent. Non, ce sont des voyageurs lambda qui veulent juste aller d'un point à un autre sans s'arrêter devant les églises et les châteaux pour voir la statue de la Vierge aux fleurs ou le lit de Ladislas le Borgne.

L'autocar est devenu la troisième option pour des voyages au long cours. Qui n'a jamais pratiqué cette forme de transport en commun ne peut pas savoir les mouvements de l'âme qu'on y vit. Les groupes en huis clos qui prennent place dedans deviennent une communauté à la durée de vie certes réduite mais sujette à tous les tourments de toute société durable. Ach, le «vivre ensemble ». Gérard veut être assis devant. Il brandit un avis de son angiologue et sa carte d'ancien combattant en proclamant son droit à une des places réservées aux mutilés de guerre et aux femmes enceintes. Louise a emmené son chien « Lola » qui est un lèche-tibia notoire qui vous imbibe de sa salive avec la bénédiction de sa maîtresse qui vous susurre: « Elle vous aime bien». OK, mais apparemment Lola aime tous ceux qui sont dans le bus. Personne ne moufte. Toi, tu n'oses pas chasser un chien d'un revers de main, tu as trop peur de te trouver confronté à un groupuscule d'amis des animaux prêts à te « traiter », comme disent les mômes. Aloïs a emmené des livres sur les bienfaits de l'argile verte et harangue la foule sur le sujet.

Et n'oublions pas l'inévitable guerre des fenêtres. La fenêtre, ou plutôt le vasistas, est ouvert par un voyageur suffocant sous la violence des odeurs mélangées. Tout de suite, on entend: «Fermez la fenêtre, il y a des courants d'air ». D'aucuns font fi de toutes ces péripéties clochemerlesques pour entamer un flirt, le début d'un amour ou juste le besoin de vivre quelques heures de douceur dans ce monde où tout fout le camp.

Il y a des Gérard à qui tout est dû, des Louise avec leur chien-chien, des prophètes du bicarbonate ou du sans-gluten dans tous les autocars. Il y a des guerres de fenêtres dans tous les bus, même dans les bus scolaires, ces endroits où se pratiquent frénétiquement les copiés-collés des résultats de maths et des versions latines et où les têtes de ceux qui dorment tombent inexorablement sur l'épaule de celui (ou celle) qui partage leur siège.

« La nave va ». Le navire continue sa route. Le bus perpétue ses tours de roue, emmenant son petit monde vers un ailleurs. La petite société constituée pendant ce voyage se dissout dès que le bus fait « pschhhhhhhh » et leur ouvre la porte.

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