Le fléau des stages

Publié le par Huguette DREIKAUS

Je l'ai dit à mon fils : il n'y a plus qu'un emploi sûr, c'est stagiaire bénévole ! Le chiffre des entreprises qui fonctionnent avec des stagiaires bénévoles est si proche des décimales du chiffre pi qu'on a créé le statut de "stagiaire bénévole professionnel".

Comment devient-on stagiaire bénévole professionnel ? Ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Il faut une formation sérieuse en informatique, en gestion, en comptabilité, en "sciences de la communication". Le reste se fait tout seul. L'entreprise t'attend quand elle te voit le diplôme à la main. Elle te chante la chanson du flatteur composée par La Fontaine : « Que vous êtes érudit ! Comme vous me semblez fort ! Ma parole si votre renoncement aux gages ressemble à votre étalage de bagage, vous serez notre hôte pour trois mois ».
Le stagiaire bénévole professionnel se reconnaît à son empressement, à la perfection de ses gestes et surtout à la lueur d'espoir qu'il garde au fond des yeux. C'est que le bougre nourrit le secret espoir de se voir décerner un CDI.

Il pourrait alors quitter sa chambre bleue ou rose ornée de peluches, de disques de Dorothée et munie d'un ordinateur, cet ordinateur sur lequel il écoute de la musique gratuite, regarde des films gratuits et peaufine son CV pour des stages bénévoles futurs.
Au bout de trois mois de stage bénévole, le patron qui lui a donné une chance soupire : « La conjoncture, mon bon garçon (ou ma brave fille), la conjoncture ! » Quelle conjoncture ? Celle qui le conduit encore et toujours vers la sortie des diplômés, avec ce bonbon éternellement resucé « Viens chez moi, tu apprendras le métier. Avec un nom comme celui de notre entreprise, tu auras une belle carte de visite ! ».
Voilà la chance non perçue par le stagiaire bénévole : avoir une belle carte de visite ! « Kévin, montre-moi ta carte de visite et je te dirai où tu pourras encore être stagiaire bénévole » ! Qui a dit que le stage bénévole n'est pas payant ?
Payant ! Payant ! Payant ! Tout est payant dans notre vie. Le stage bénévole est payant. Même s'il n'est pas payé, il est payant puisqu'il donne une carte de visite.
Mais ne confondez pas le stage bénévole non payé avec le stage pour bénévoles payant. Là on entre dans une autre catégorie, celle des stagiaires qui ne font pas des stages pour avoir une vie normale et structurée mais pour atteindre l'excellence. Pour faire la pâtisserie comme Hermé ou la cuisine comme Bocuse. Et surtout pour quitter un emploi subalterne, même en CDI, pour un emploi en micro-entreprise personnelle.

Le comptable devient alors magnétiseur, la fleuriste devient kiné pour massages de bien-être. Le livreur de pizza ouvre un dojo et enseigne les arts martiaux. La boulangère sera spécialiste des thèmes astraux et Kevin ouvrira une agence de re-décoration de maisons après un stage chez Valérie Damidot. Tout ça pour avoir une plaque en laiton quelque part.
Comme dirait Confucius : « Si tu n'as pas ton nom gravé sur une plaque avant qu'on le grave sur le marbre funéraire, t'es vraiment à côté de la plaque ! ».

Le fléau des stages
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