Trop de bémols dans la salsa !

Publié le par Huguette DREIKAUS

Trop de bémols dans la salsa !

Ils sont tous venus, ils étaient tous là, les fervents de la foire. Les trams les ont déversés par centaines devant la tente posée devant le bâtiment rose. Sécurité oblige. La « Usstellung » c'est comme un pèlerinage. On y vient pour se poser dans un fauteuil de massage, manger un Gillerle chez Uschen (un coquelet chez Eugène), rire des camelots qui vous vendent ces produits miracles qui nettoient vos tapis et vos vitres comme par magie et coupent vos oignons en petits dés sur simple clignement des yeux.

Hélas, les grands miracles ne se produisent qu'à Lourdes. Les miracles avec balai magique, chiffon magique et râpe magique ne se produisent que dans le périmètre (très restreint !) de la foire. Au retour à la maison, c'est la désillusion. On se sent alors comme Cendrillon dont le carrosse devient citrouille et la robe une guenille. Oui, mais entre-temps, Cendrillon était au bal. Elle a bu des mojitos. Elle a dansé la salsa. Tous ces plaisirs-là, le visiteur du Wacken ne les a pas eus...

Pourtant l'affiche promettait de la jouissance. Elle nous a fait rêver de palmiers, de voitures comac, d'édifices aux mêmes couleurs au naturel que notre cathédrale lors des illuminations estivales. Et ce n'est pas tout. Les slogans ! À faire tressaillir ces molécules de notre coeur qui ne sont pas paralysées par l'angoisse du futur, les craintes des résultats de nos prises de sang et le verdict impitoyable de notre pèse-personne. C'est qu'on nous promettait, sur tous les panneaux de la région, des vibrations fortes, des rythmes latinos et de la couleur. Papy avait même fait les frais d'une chemise hawaïenne pour danser avec les beautés cubaines. Carlos is not dead !

Cuba où étais-tu ?

Oh rage, ô désespoir, E röjes verdammi ! (P'tain quelle colère) ! Nous sommes venus, nous n'avons rien vu ! Ni de palmier qui verdoit, ni de Cubaine qui dansoit, ni de cigare qui fumoit. Le hall n'étalait sous nos yeux qu'un grand rideau couleur désarroi. Des murs drapés de noir comme pour marquer l'absence. Cuba où étais-tu ? Dans cette voiture mise en cage ? Dans le CD lancé par un DJ emploi jeune recruté sur le campus de Strasbourg ? Cuba, je ne t'ai pas trouvé ! Je suis allée noyer ma désillusion dans un Eierlikör (cognac aux oeufs) chez Uschen.

Pour la foire, Cuba est resté confiné dans les deux dimensions de l'affiche ! Un pays comprimé en quelques mots imprimés : « salsa », « mojito », «rythme». Paroles, paroles ! Rien que des mots. Pas de salsa pour Miss Blandish au Wacken. Pas de ces plats dont la seule odeur des épices guérit les crampes d'estomac et les chagrins d'amour. Pas de stand de sofrito pour donner un air de vacances à notre côte de porc. J'ai frotté un verre de Cuba libre - acheté au jardin des délices entre un stand de moules-frites et un stand de comté - avec l'espoir d'en faire sortir un génie qui me transporterait à la Havane. Nix. Nada.

Si ! Près de la sortie, j'ai vu quelques seniors bien d'ici dans des t-shirts marqués « Cuba » faire une danse cubaine qui était à la salsa ce que le vélo d'appartement est au Tour de France.

Mamema dit : « Si tu veux voir les Alpes, il ne faut pas aller au mont Sainte-Odile pour essayer de les voir à travers le brouillard. Pour voir les Alpes, il faut aller dans les Alpes ». En attendant de voir la Havane, je suis retournée à Hawenaa (Haguenau).

 

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