On est dans un coronathon

Publié le par Huguette DREIKAUS

On est entré dans une période d'info unique ! La peur éprouvée par le journaliste : il n'y a plus de matchs de foot, plus de concerts, plus de meetings politiques, plus de festivals, plus de manifs, plus de courses cyclistes. Bref, plus de papiers à faire sur le sport si ce n'est l'exploit de quelque marathonien qui court sur son balcon ou d'un roi de la gym qui fait sauter à la corde des gens debout sur leur petite terrasse. Le sujet unique imposé est le coronavirus. L'angoisse.

Le 31 octobre 1986, je participais à une émission de France Bleu Alsace et le journaliste me dit : « Je n'ai rien, même pas un chien enragé qui s'est échappé. Et il faut que je fasse sept minutes. » Sept minutes, c'est la jauge. Je me suis alors imaginé qu'un chien enragé s'échappe. C'est une info de trente secondes si on y ajoute le lieu et l'heure de l'incident. Eh non, on peut en faire sept minutes. On donne la parole à un vétérinaire qui explique ce qu'est la rage et conseille à tous de faire vacciner leurs chiens. On appelle le sous-préfet qui signifie à la population le danger encouru et demande aux gens de rester confinés chez eux en attendant que le chien soit rattrapé par les services vétérinaires. On prend en ligne Marie-Odile, la propriétaire du chien, qui parle de son Lookie qui ne ferait de mal à personne, et demande de ne pas l'abattre : il mérite d'être vacciné ! Et l'épilogue est offert au Dr Lagoutte qui rend un vibrant hommage à Pasteur sans qui toutes ces maladies feraient des ravages s'il n'avait pas inventé la vaccination.

Le 1er novembre 1986, ce fut le drame de Sandoz. Il y eut de quoi faire sept minutes et même une édition spéciale. Si un chien enragé s'était échappé ce jour-là, on n'en aurait même pas parlé. Le gabarit, c'est sept minutes.

On est dans cette situation-là. Depuis le début de la crise, j'écoute France info. Ils traitent d'une seule info. Eux aussi sont dans le syndrome du chien enragé qui s'est échappé. 24 heures sur un sujet unique...

Bien entendu nous avons les chiffres, des chiffres terribles, derrière lesquels on devine les drames, les vies brisées, les deuils.

Il y a aussi les règles de prévention qui sont rappelées et martelées si souvent que la France entière a des crevasses dans les mains et des traces de morve dans les pulls au niveau du coude.

Il y a enfin les voix des soignants, qui demandent de l'aide, et des patients, qui les remercient.

Mais il y a aussi tout le reste. On est dans la fragmentation. C'est du James Joyce. On entend un vétérinaire pour les soins aux animaux, un horticulteur pour la survie des fleurs, un dermato pour retrouver des mains douces, des experts bio pour des conseils diététiques, un banquier pour nous annoncer les baisses de taux de crédits. On y apprend à manger comme Hélène Darroze. On sait tout sur tous les bons comportements à avoir. On sait tout sur tout.

Dans la presse orale et dans la presse écrite, on apprend aussi qui fait des masques et qui fait son gel hydroalcoolique. Pour pallier les manques, il n'y a rien dans les stocks de l'État. Bref on y apprend qu'on est dans un coronathon. « D'litt sin doo fer d'litt » (ce sont les gens qui sont là pour les gens).

Je m'imagine un jeu, "le parfait petit survivant à l'épidémie", un jeu de société, je l'achèterais en quinze exemplaires. Ce serait mon cadeau de Noël pour les miens !

 

On est dans un coronathon
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