La chute du caducée

Publié le par Huguette DREIKAUS

Je vous parle d'un temps que les moins de trois mois ne peuvent pas connaître, ce temps où toutes les angoisses médicales, générées par des diagnostics certifiés sur des pages de labo, ou nées lors de flambées hypocondriaques, étaient apaisées dans les officines de proximité signalées par un caducée.

Là, tout un personnel badgé vous délivrait des remèdes prescrits sur feuille idoine, ou vous suggérait des huiles essentielles à inhaler, des tisanes à ingurgiter ou des liquides riches en protéines à avaler pour perdre ces kilos qui s'agglutinent autour de la taille.

Mais ça, c'était avant ! Depuis l'arrivée de la covid, à la sortie de ma pharmacie, mes yeux sont humides ! J'en sortais et j'en sors encore désespérée et bredouille. Pas moyen de mettre la main sur ces articles de désinfection basiques pour éviter la contamination. Dialogue récurent : « Vous avez du gel ? » - « Non, pas encore ». « Vous avez des thermomètres ? » - « Non, mais je peux vous mettre sur liste d'attente ». « Vous avez des masques ? » - « Non, ils sont commandés, mais on a rentré des crèmes solaires et une nouvelle gamme de vernis à ongles ».

Des moments pénibles dans une vie où on se dit « le virus passera par moi ». Et puis, voilà que notre conscience nous susurre : « Aide-toi et le ciel t'aidera ! »

Pour le gel, c'est un pote transfrontalier qui a bravé les interdits à 500 euros pour m'en fournir. Il a été ma « mule », revenant avec mon gel dans un recoin de sa voiture comme un passeur revient de Colombie avec de la coke dans son estomac. Les temps étaient et sont encore durs à la frontière allemande. Dans cette guerre contre le coronavirus et son pendant féminin la covid, les Alsaciens ne planquent pas des Américains dans leur grenier, mais des désinfectants germaniques dans leurs roues de secours. Il faudra octroyer des médailles à ces braves.

Le pharmacien n'avait pas de masques jusqu'au 17 mai, mais les petites mains en ont confectionné dans tous les villages et tous les quartiers des villes dans des tissus fleuris. Les supermarchés distribuent des masques chirurgicaux par boîte de 50, à 50 centimes pièce, à la caisse, contre un achat de thon en boîte et d'une botte de radis. Les officines à caducée n'étaient pas encore livrées à ce moment-là. « Mais on a des pastilles contre le mal de gorge ».

Et le thermomètre ? Rassurez-vous, je suis inscrite dans trois pharmacies. Toujours pas de thermomètre en vue. Mais... comme mon ange gardien prend soin de moi, il a guidé mes pas de déconfinée dans une carterie, car mon âme avait besoin de légèreté. Mes yeux avaient besoin de voir des trolls en plâtre, des bougies parfumées et des lunettes de toilettes qui émettent des sifflements d'admiration quand tu t'assieds dessus. Et là,... à côté de bracelets roses pour soirées coquines et de grenouilles à brouette pour le jardin, tout un rayon de thermomètres à lecture frontale.

Le caducée est en berne. Pauvres pharmaciens ! Ce sont les oubliés de la distribution de produits de lutte anti-virale...

 

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