Les tou-tou, les tou-tou, les touristes !

Ils ont déjà commencé à venir ; ils seront de nouveau tous là, les touristes, même ceux du sud de la Mandchourie et de la Namibie. C'est le soleil qui les pousse hors de chez eux à la découverte du monde !

Le programme « tourisme » est fait dans les pays d'accueil qui se doivent de racoler les tour-opérateurs en quête perpétuelle pour dénicher les parcelles qu'on a envie « de se faire ». C'est bien l'expression consacrée : « Cette année, je me ferais bien l'Afrique du Sud ». Dans le monde du touriste, les pays et les villes proposés sur prospectus ont la même finalité que les jeunes filles en vitrine à Amsterdam : déclencher l'envie de se les faire.

Les pays pauvres se décarcassent pour faire entrer des devises dans leur PNB dont le montant est souvent loin des chiffres du patrimoine de la famille Pinault. Alors on rénove les églises, on soigne le décor des palais, on fixe de nouveaux pneus sur des taxis séculaires, on instruit des hordes de guides en formation accélérée sur l'histoire des princes et des bâtisses.

Les locaux des pays exotiques s'achalandent en draps et en lits suédois pour leurs chambres chez l'habitant car le visiteur en shorts veut se sentir « comme chez soi ». Le poulet est sacrifié en masse car devant les cartes de menu du bout du monde, Jeannot va dire : « C'est chouette, le Vietnam, ils ont du poulet ! » Le poulet est le dénominateur commun des menus de la terre entière. Le voyageur est déjà rassuré pendant le vol d'accès où les hôtes de l'air servent invariablement ce volatile.

Et que font les gens en bob munis d'une perche pour s'immortaliser sur des clichés qui vont fleurir les murs Facebook et Instagram ? Ils font du shopping ou plutôt ils cherchent des idées pour des shoppings ultérieurs sur le net. Tu entends des : « Linette, tu ne vas pas acheter des tabourets marocains et t'emm... avec ça dans l'avion. Tu les trouves beaucoup moins chers sur Amazon », ou des : « Lucie, tout ça, ils le bradent sur le Bon Coin. Laisse-le leur ! » Hélas ! On en est arrivés là. Les magasins n'existent plus que pour la curiosité des mangeurs de sandwichs. « Pour le plaisir des yeux », comme on dit ça et là. Même chez nous, on va dans les boutiques voir ce qui est à la mode et le commander en ligne sur des sites où la robe est à 20 euros et le jean à 15 euros. Les échoppes sont en passe de devenir des attractions dans le « Touristik Park ». Pas étonnant que certains commerçants se bornent à poser un distributeur automatique qui délivre l'article qui fait rêver sans que leur vendeur ait à déblatérer des heures sur la qualité et le prix de son produit. O tempora, o mores !

Mamema a dit : « dee Notre muen se au widder herstelle » : reconstruire Notre-Dame pour les touristes. Pas la peine de se presser. Il y beaucoup de touristes. Il y a un tourisme-cata, des tour-opérateurs qui vous emmènent à l'endroit des Twin-Towers, sur le parvis de Notre-Dame, à Tchernobyl, voire à Dallas, là, où JF Kennedy a été assassiné. Là, si vous êtes en couple, vous pourrez même être déguisés en John et Jackie. Jackie en tailleur rose ? Rien pour moi, la rose ne me va pas au teint !