C'est fou ce qu'il y a comme monde dans mon téléphone

Publié le par Huguette DREIKAUS

Je l'ai fait ! Youpi ! Et un de plus qui est pris au piège dans mon téléphone. Mon toubib, je l'ai coincé dedans. Facile ! Je me suis inscrite sur doctolib et une heure après, il était là, réduit à la taille d'un doigt comme un personnage issu des contes de Charles Bukowski. Son visage ? Je pouvais le couvrir rien qu'avec la moitié de mon pouce.

Je ne sais si vous pouvez mesurer la fierté que j'éprouve à faire apparaître, disparaître et rapetisser les gens influents au gré de ma fantaisie. Certes il m'arrivait déjà souvent de sommer Céline Dion de me chanter : « Pour que tu m'aimes encore » à deux heures du matin. Un clic de ma part, et elle poussait sa chansonnette.

Depuis belle lurette, je fais de même avec cette psy qui me conforte dans l'idée que moi, petite personne douce et fragile, je suis entourée de pervers narcissiques. Clic ! Et hop, elle parle dans mon téléphone. Vous avouerais-je que j'ai même tiré des personnages défunts de leur repos éternel pour assouvir des fantasmes personnels en wi-fi ? Marlène Dietrich obligée de me susurrer « Lili Marleen » ad libitum, les regrettés Lino Ventura, Bernard Blier et Francis Blanche condamnés à rejouer pour moi, encore et encore, les Tontons flingueurs, vivant ainsi la malédiction du Vaisseau Fantôme.

Et maintenant ? Maintenant ? Tous ceux qui d'emblée me font peur sont enfermés sous l'écran de mon smartphone. Ma coach sportive ? Dans mon téléphone ! Distance salvatrice. Elle ne me bloque plus contre le mur manu militari pour les positions de gainage. Plus touche !

Le vénéré docteur ne me dira plus : « Vous n'auriez pas un peu plus de surface mammaire ? » Il ne voit que ma tête !

Mon banquier ? Sous vitre ! Quand il me dit : « Il faudra penser à alimenter le compte courant », je fais le coup du tunnel avec une application « Envoyez des parasites sur votre écran de téléphone ».

Je suis la reine du monde ! Je suis le Harry Potter des relations humaines. Mon smartphone est ma boîte à bonheur. Au plus fort du confinement, ma petite-fille dansait pour moi un genre de Lac des cygnes improvisé du haut de ses 18 mois.

Bon, là, je jubile, je jubile ! Mais il faut le dire... Avec ces nouvelles possibilités de mon téléphone, je ne fréquente plus que des gens plats. Ils n'ont plus que la hauteur et la largeur. Ils ont la morphologie des feuilles à glisser dans un fax. Au secours, j'ai des enfants plats ! Ouf qu'à la vue de mon petit bidouf quelque peu proéminent, je suis rassurée : « Moi, j'ai encore de l'épaisseur ».

 

C'est fou ce qu'il y a comme monde dans mon téléphone
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